COLCHIMAR M'A PAS TUER

Vive la petite pilule bleue
Vive la petite pilule bleue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La sollicitude de mes amis,

qui s'inquiètent de

mon silence épistolaire,

me touche.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dès que plus de 72 heures séparent mes billets, ils s'imaginent le pire. Je les en remercie et tiens à les rassurer: nous allons bien. Toutefois, une série de petits tracas, nécessitant à chaque fois notre attention et toute notre énergie, émaillent le quotidien.

 

Après douze années pleines passées dans les Pyrénées Orientales, j'éprouve le besoin de souffler un peu. Le "burn-out", phénomène à  la mode, notamment chez ceux qui ne foutent rien, assis devant leur bureau le plus souvent, ne me touche pas mais je ressens un minimum de lassitude et un rien de désenchantement passager. Les temps sont durs et les inconvénients de la vie dans un pays procédurier et soumis à un nombre record de règlementations l'emportent parfois sur les grandes joies procurées par mon activité et les succès qualitatifs obtenus, à la force du poignet. Et vous verrez justement que celui-ci s'est projeté au centre de mes préoccupations.

 

Nous passons pas mal de temps au fond d'une petite crique que mes proches connaissent bien. Nous y aménageons progressivement un lieu de résidence alternatif très mignon qui est tombé dans l'escarcelle de Christine, sans faire de frais inconsidérés mais avec beaucoup de légères modifications agréables et réfléchies, autant de petits détails qui rendent la vie encore beaucoup plus jouissive. Et je me suis replongé dans l'écoute de la musique, toutes les musiques. En effet, Corneilla ne m'a jamais fourni un lieu où les conditions acoustiques m'auraient permis de me livrer à cette passion dans la sérénité et le vacarme, la détente et la concentration. Et, un peu par hasard et beaucoup par anticipation, nous avons trouvé là-bas un espace qui se prête à la satisfaction de mélomane dur de la feuille que je suis devenu. A terme, un auditorium-pièce de séjour sera mon jardin non pas secret mais personnel, mon orangerie, mon antre bucolique. J'y ferai résonner le doux nom de la belle Amarylis ... et pas que.

 

Mais le week-end dernier avait assez mal commencé. Arrivé à LF - appelons ainsi notre redoute - le jeudi en fin de journée, j'étais embêté par un point douloureux au niveau du canal carpien de la main gauche, sans pourtant avoir consenti aucun effort, ni fait aucun faux-mouvement, ni encouru la moindre micro-blessure. La veille, un épisode fébrile inexpliqué m'avait même incité à me coucher quelques heures. Et la nuit qui conduisait à vendredi fut très désagréable. Le matin venu, impossible de préparer un quelconque petit-déjeuner et nous avons décidé de retourner dans les P.O. voir mon "médecin de famille" à qui j'ai présenté ma suspicion clinique. Pas plus convaincu que cela, il a quand même civilement accepté de me prescrire ce qu'il fallait, influencé par mon expérience personnelle et la connaissance que j'ai de ma carcasse, remontant à presque trente ans en arrière pour le premier épisode, bandolesque de survenue.

 

J'ai couru à la pharmacie, grimaçant de douleur et le bras en écharpe, la main pulsatile et le coude figé: une horreur! 

De retour à LF, après deux prises médicamenteuses rapprochées, contre l'avis de la faculté, je me suis callé entre les deux LEEDH, une marque de haut-parleurs de grande qualité maintenant disparue dont je possède une paire d'éléments d'entrée de gamme depuis plus de 15 ans, et ai tenté de me rasséréner. Sur le coup de quatre heures, j'avais les larmes aux yeux et le membre brûlait de l'extrémité du medius à l'acromion, en passant par l'olécrâne, comme il se doit. La description collait de plus en plus à mon vécu de jadis, mais l'efficacité du traitement se faisait attendre. Me serais-je trompé? 

 

Vers le moment du souper, la main bougeait ... et mon tube digestif aussi. On n'a rien sans rien. J'ai continué à "faire le forcing" pharmacologique contre l'avis de Galien et celui de mes microtubules. Le samedi matin m'a donc découvert le sourire aux lèvres: "même plus mal"! 

 

Je vous livre quand même ma recette: 4 mg de colchicine le premier jour, et 60 mg de prednisone, puis on diminue progressivement. On boit également beaucoup d'eau. Et ça marche! Je n'ai donc pas vécu un premier épisode de polyarthrite rhumatoïde suraiguë, un rhumatisme articulaire aigu, un embole septique depuis mon endocardite occulte, une manifestation extrême d'insuffisance coronarienne atypique, une maladie de Behçet débutante, un joli syndrome de Reiter ou toute autre arthrite "réactionnelle" ... que sais-je encore. 

 

Mais j'ai souffert de goutte articulaire, pour la première fois depuis très longtemps et à une localisation que je n'avais jamais expérimentée auparavant, centrée sur la tête du cubitus mais entreprenant tout le carpe et le territoire d'amont aussi. Je vous avoue être un défenseur de l'opinion, avérée dans les faits mais impopulaire, même auprès du corps médical, ignare de ces choses, selon laquelle la contribution alimentaire aux manifestations cliniques de la goutte est très faible, sinon nulle. Et de fait, je n'ai commis aucun excès de table depuis deux ou trois semaines, que du contraire. 

 

Et pourtant: je suis peu souvent assis à table de ces jours-ci, généralement une seule fois par jour. Cela signifie que je me trouve souvent à jeun, et que j'injecte un peu moins d'insuline que d'habitude. Donc, je tire mon énergie de la bêta-oxydation des graisses et je produis un peu plus de corps cétoniques que d'ordinaire. Et on sait que l'excrétion rénale de ceux-ci entre en compétition avec celle de l'acide urique. Premier mécanisme

 

Etant peu à table, je bois moins d'eau. Un phénomène de déshydratation relative et de concentration s'est produit, sans doute. Deuxième mécanisme.

 

De plus, nous avons plutôt jeté notre dévolu sur des légumes et du poisson ou des fruits de mer, depuis quelque temps. Et le vin blanc acidulé  (Savoie, Bas-Rhin ...) a largement remplacé les pourpres tanniques du sud dans nos hanaps. Je pense que cette "marée acide", réputée déclencheuse de crises - mais est-ce prouvé de manière expérimentale? - a pu servir comme troisième mécanisme. Attention, je sais comme vous tous qu'un environnement local de bas pH favorise l'insolubilité des urates de sodium, mais est-ce qu'un peu de sylvaner, de riesling ou de jacquère suffit à altérer l'ambiance des synovies?

Je n'en suis pas convaincu outre mesure. 

 

J'vas vous dire, moi: "Avec ou sans opium,

le Colchimax me convient très bien!".

 

 

 

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Comments: 2
  • #1

    Thierry Charlier (Tuesday, 28 February 2017 19:36)

    je me doutais bien qu'il se passait qlq chose !

  • #2

    Michel Lacave (Tuesday, 28 February 2017 23:54)

    Terrible de ne pas pouvoir lever le coude.
    Je suis parfois frappé du même mal; c'est effectivement très douloureux.
    Merci à la fée colchicine.