AGNES PUIS LILY: MES "FEMMES DU BANDOL"

Une brochette que je ne renierai jamais, une manière de "Quinte Floche"
Une brochette que je ne renierai jamais, une manière de "Quinte Floche"

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Flash-back sur 30 ans de vie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quatre endroits ont marqué mon existence de manière importante.

Tout le sous-continent Bachten de Kupe tout d'abord, où je suis arrivé pour la première fois à Pâques 1957. J'avais six mois.

Les quelques villages autour de Rebecq-Rognon, où j'ai passé peu de temps mais d'où je garde des souvenirs de raisin en serre, de petites pêches surettes mais délicieuses, de haies de buis, des accents rugueux et des "trek-biljarten" (= flippers en français) des carriers de Quenast originaires du Mezzogiorno et ensuite, bien plus tard, des Kent fumées en cachette avec mon pote d'alors, Alain Vandenplas, hélas perdu de vue.

Ce coin isolé en marge de la forêt du Gelderland, Voorthuizen et le Ponycentrum Edda Huzid. C'était au Hunnenweg.

Et tout le territoire de l'appellation d'AOC Bandol. Je pense que c'est là qu'a grandi ma détermination à devenir vigneron un jour, funeste destin s'il en est.

 

Marc Deconinck, le moteur du petit club d'oenophiles appelé de manière très originale "Les Amis du Vin", avait mis le doigt sur une propriété sympathique, de notoriété moyenne mais aux vins exceptionnellement structurés: Le Galantin, chez Liliane et Achille Pascal. J'ai pénétré chez eux, ou plutôt dans une annexe servant de gîte de vacances, tard, un soir, par une barrière qu'ils avaient laissée ouverte pour moi. Nous nous sommes retrouvés le lendemain matin. Voilà une rencontre qui a marqué mon existence. Actuellement, les parents, c'est-à-dire eux, sont retraités et ce sont les enfants (la quarantaine en vue) qui gèrent les 30 ha en production. Le conjoint de Céline est lui-même fils d'un domaine viticole à La-Londe-les-Maures, tandis que la femme de Jérôme, une Aquisextaine, est enseignante de formation. Il y aussi quatre petits-enfants: Jérémy, Maia, Sébastien et Chloé.

Comme partout à Bandol, le vin rosé a pris le dessus et permet à l'exploitation de tourner et de nourrir toute la "petite" famille. Mais les rouges que j'ai eu la chance de goûter (et d'avoir en cave) comptent parmi les meilleures bouteilles "à garder longtemps" de ma vie: 1978, 1979, 1982, 1985, 1988, 1989, 1990 ... Après, on a commencé à érafler et les vins sont devenus plus accessibles d'emblée. N'empêche, le magnum de 1994 que vous apercevez sur mon illustration sera débouché pour Noël. 

Lily m'a téléphoné il y a quelques jours, pour prendre des nouvelles et m'en donner. Cela m'a fait énormément plaisir. Au terme d'une ou deux "expériences" malheureuses avec deux compagnes qui ont beaucoup compté dans ma vie, c'est elle qui m'avait déclaré un jour: "Tu seras toujours couillon avec les femmes"*.  Elle possède certainement le recul de la sagesse provençale, de culture un peu macho sur les bords. 

 

A l'autre extrémité du cliché, c'est un 1998 du Domaine de la Tour du Bon qui fera les frais de la Nativité.

Je vous ai déjà parlé d'Agnès ICI.

 

Au centre, ce sont quelques vieux grenaches ou cinsaults, mais surtout les mourvèdres du lieu-dit La Tourtine qui composent le magnum de 1985. Cette parcelle argilo-calcaire à flanc de coteau, au bas de la propriété où habite François Peyraud (Domaine Tempier), jouit d'un ensoleillement magnifique. Il y a un peu plus de vingt ans, mon regretté ami Xavier et moi-même avions accompagné un petit groupe de cardiologues pour le "grand aïoli" dans la véranda de la famille. Quel bon souvenir.

L'aïeul, Lucien Peyraud, fut un des trois fondateurs de l'appellation. J'ai eu le bonheur de le rencontrer par deux fois et il m'avait répété ce qu'il répétait inlassablement: la parfaite adéquation du mourvèdre à ce territoire pour produire des grands vins de garde. Puisqu'on parle surtout des dames ici, j'ai eu l'honneur de rencontrer deux fois également la "comtesse", Arlette Portalis, au sein de ses argiles rouges du quartier des Pradeaux, avant qu'il ne devienne un ... zoning, une ZAC. C'est son fils adoptif, Cyrille, qui a pris la succession. Par contre, je n'ai pas connu M. Roethlisberger, le troisième glorieux ancien. La Millière était déjà devenue un lotissement quand j'ai commencé à fréquenter la région.

J'attends beaucoup du magnum de Tempier, 1985 était un millésime immense. Pourvu que le liège ne nous joue pas un de ces tours dont il est coutumier! 

 

Les deux bouteilles de 75 cl ont déjà disparu. Le Lafran-Veyrolles élaboré par "Jean-Marie", le caviste comme on appelle à Bandol un maître de chai, m'a laissé sur ma faim. Les tannins étaient magnifiques: serrés et souples, mais un nez de bouchon qui n'a fait que s'amplifier - comme d'habitude -  à l'aération m'a empêché d'en boire plus d'un verre. Tout à l'évier, merci les bouchonniers et les nostalgiques de cette obturation d'un autre âge. La dame ici, c'est l'adorable Madame Jouve-Ferec. Elle avait repris l'exploitation de son père, et a développé l'influence des mourvèdres du "chemin de l'argile", cette magnifique bande de vignes sur le bas de la Cadière d'Azur, où on trouve une poignée de domaines excellents vinifiés par des caractères d'exception. Je ne manque pas de lui rendre visite à chacun de mes passages. Elle incarne parfaitement un côté "vieille France" à visage humain qui a su sauter de plain pied dans le vingtième siècle, quand il a fallu. Je ne suis pas sûr que la France vieillote de Monsieur Fillon accrochera jamais son wagon, elle,  au train du vingt-et-unième siècle! 

 

L'autre petit flacon n'est plus, mais il a fait plus qu'honneur à son rang: couleur encore très jeune, joli nez de fruits noirs et de cuir, tannins très ronds et modérement puissants. En effet, 1991 était abominable à Bandol: de l'eau, de l'eau, de l'eau et les vins furent dilués, pour la plupart. Or, c'est le millésime de naissance de ma fille. J'ai donc cherché à rentrer les meilleurs et ce fut Domaine de la Noblesse (devenu Dom. Jean-Pierre Gaussen suite à une sordide querelle entre Jean-Pierre et son frère) 1991, ainsi que La Tour du Bon, La Vivonne et aussi Pibarnon. Il faut dire que Jean-Pierre vinifie son Bandol en cuve Vinimatic, avec beaucoup de sensibilité (il en faut), et l'élève assez à l'abri de l'air (litote). Ici aussi, on doit parler des dames.

Son épouse, Julia, est toujours prête à donner un coup de main à tout (vigne, cave, bâtiments) et à livrer des commentaires sur tout aussi: inarrêtable. Elle avait pris Virginie en affection. De ses deux filles, l'une ne travaille pas sur l'exploitation. L'autre, Mireille, au visage exprimant en permanence une certaine langueur, ajoutait encore au charme des visites et me faisait regretter d'avoir quasiment une génération de plus qu'elle ... Discuter avec Jean-Pierre et déguster avec lui a toujours été un moment de plaisir pour moi. Ses yeux malicieux semblaient toujours vous scruter, vous jauger. Je pense que j'ai fini par le rassurer: si j'aimais à papoter avec sa fille, ce n'est pas parce que je convoitais ses vignes!  

 

Si tout va bien, avec Christine, nous irons saluer

vers la fin de l'hiver tout le petit monde du Bandol, 

qui constitue un peu ma Madeleine de Proust à moi.

 

 

* Un autre personnage du Bandol, Richard Prébost (Dom. du Cagueloup), qui m'a vu au bras de mes trois dernières compagnes, m'a aussi

   déclaré: "Tu auras toujours des emmerdes, avec les femmes. Tu les prends trop jolies. Il faut faire comme moi: prendre des bourrins".

   Je ne sais pas si le commentaire a plu à sa compagne, qui se tenait juste à côté ... 

 

 

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