UN COUP DE FOURCHETTE POUR LA LOUTE

Cyrille n'est pas à plaindre ...
Cyrille n'est pas à plaindre ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au mois de mars,

je vous parlais de 

notre dernier repas

chez Cyrille Domagala

et Rolande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hier soir, c'est là aussi que j'ai mené la Loute.

 

"Elle arriva sur les dents, mais après prompt réconfort ,

Je lui vis bonne mine pour croquer vite et fort.

Tant, à la voir mâcher avec un tel visage, 

même les plus timorés reprenaient du fromage ... "

 

Pardon, Pierre, pour cette libre adaptation mais la journée de notre stagiaire fut longue et, au moment où je venais la chercher, on lui donna encore au autre frigo à nettoyer. Elle râlait un peu en s'installant à côté de moi. Une douche plus tard, un peu de baume appliqué sur sa réaction allergique aux piqûres des moustiques tigres, nombreux pour le moment, et une trentaine de bornes plus loin, elle "sentait l'hypoglycémie à plein nez". Un petit Banyuls et les mises en bouche ont réglé le problème.

 

C'est ensuite tout sourire que Virginie s'est appliquée à découvrir son entrée: une roulade de lapin, rehaussée de tapenade et contenue dans de la ventrêche légèrement fumée, avec une mousse d'aubergine travaillée et une réduction de vinaigre de fruits ... exactement ce qu'il lui fallait. Vous savez que je ne suis pas critique gastronomique, je le répète à qui veut l'entendre et à tour de bras, et nous ne détaillerons pas le reste.

 

Le même constat s'impose encore et encore, tout au long du repas, d'accord, d'accord: ce chef cuisine ce qui lui passe par la tête, sans schéma préconçu, et c'est sans doute pour cela que les dîners au Cayrou sont un plaisir sans cesse renouvelé et ... détendu. Vous ne me croirez pas mais nous étrennions une fois encore une nouvelle décoration des lieux: la terrasse à front de rue cette fois. Une fois les autres convives partis, Cyrille est venu discuter le bout de gras avec nous, ... apportant en même temps un macabeu de fort bonne façon, ma foi. Virginie et lui ont parlé du "métier" et il a levé pour nous un autre coin du voile. Je le savais de lointaine extraction italienne et lorrain d'origine. Il a ainsi, c'est à côté et on y gagne bien sa vie, beaucoup travaillé à Luxembourg. Il garde de cette époque tout son savoir-faire, une certaine fatigue rétrospective de ces horaires harrassants et le souhait de pouvoir continuer à exercer son office "comme il l'entend", librement, tout en profitant de sa famille. Je comprends mieux à présent son choix d'une structure minimaliste, en complicité avec sa femme et à proximité de son fils adolescent et de ses deux jumelles. De même, ce passionné de gastronomie continue à aller s'asseoir aux bonnes tables, avec une grande exigence d'ailleurs. Je lui donne raison.

 

Faire "tourner" un restaurant de grande taille, avec une équipe nombreuse, une salle à remplir, des contrôles continus de la part des autorités de toute sorte, des approvisionnements de qualité à assurer (poisson notamment) ... n'est pas une sinécure. Et en garder un salaire après tout cela n'est pas évident non plus. De plus en plus de très bons professionnels ont opté pour une alternative que je comprends très bien: réduire la voilure, diminuer le personnel (ou carrément s'en passer), proposer une offre plus ciblée - mais tout aussi exquise - et vivre de manière sans doute moins "glamour" que les grandes stars du fourneau, mais en jouissant de son existence. Je peux vous citer au moins dix de nos clients qui opèrent ainsi. Ils travaillent beaucoup les jours où ils travaillent, mais il savent se réserver des havres de vie privé. Et cela se ressent dans la fraîcheur de leurs plats.

 

Pour nous, les clients, il faut apprendre à accepter que parfois la porte est fermée,

ou bien que la salle, pourtant capable d'accepter plus de couverts, n'est pas entièrement dressée.

Cela ne me pose aucun problème.

 

 

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