A ... FEARY TALE

Kin', grande ville chinoise
Kin', grande ville chinoise

 

 

 

 

Je me fais conteur.

 

 

 

 

 

 

 

Pour une fois, voici un billet sorti de mon envie de conter. Mais, comme à l'accoutumée, je fais appel à une succession de faits réels. Pour mon malheur, je ne sais pas faire preuve d'imagination, même pas romanesque.

 

C'est Sylvie Cadio qui m'a fourni l'idée, bien involontairement, de fil en aiguille.

 

Elle se sépare d'une partie de la belle cave de grandes bouteilles que Pierre et elle avaient constituée, et notamment de plusieurs millésimes d'Yquem. Moi, de mon côté, j'avais relayé une plaisanterie (apocryphe?) du sinistre Robert Mugabe, grand ami du régime congolais à qui il a souvent "prêté" ses soldats: "C'est dur d’ensorceler une fille africaine de nos jours. Chaque fois que tu amènes un bout de ses cheveux au sorcier, c'est une brésilienne innocente qui devient folle, ou alors une usine en Chine qui prend feu". L'humour du dictateur, macho et homophobe réputé, s'y étale avec majesté. 

 

Elle avait surenchéri et c'est ainsi que le récit que je vais vous faire m'est venu à l'esprit. Je le lui dédie.

 

J'ai rencontré Alain Troubat (vers 1992, par là) au Stirwen, à la chaussée Saint-Pierre dans la commune d'Etterbeek  où j'avais fait mon école gardienne trente ans auparavant. Ce Breton passionné de cuisine depuis son enfance avait initialement installé ses fourneaux à Kinshasa. Suite à un incendie qui y a ravagé son établissement, il est venu en Belgique pour régler les problèmes administratifs avec la compagnie d'assurances qui y avait son siège et ... a commencé sa carrière chez nous. Il a rapidement conquis un macaron, près de la friture Antoine - qui lui fournissait d'ailleurs les frites toutes chaudes, en direct, quand celles-ci figuraient au menu. Sans être un "habitué" des lieux, j'y suis allé plusieurs fois et il m'a pris en sympathie, l'aura de mes fonctions au CERIA aidant. On y mangeait excellemment. C'est lui qui m'a raconté les épisodes que je rapporte. 

 

Fort de sa réputation en Afrique, c'est à lui que le président (Mobutu) faisait régulièrement appel pour ses petits repas fins. Il affrétait un Jumbo-jet (B-747) rempli de tout ce qui était nécessaire (fourneau, frigos, bonbonnes de gaz, fournitures, vin ...), se constituait une brigade pour l'occasion et allait régaler son excellence. Bien souvent, des caisses entières de crus - bordelais pour la plupart - étaient du voyage. C'est bien sûr l'argent de la coopération qui payait tout cela, directement où indirectement. Quelques jours plus tard, il était de retour à BXL. Même en Belgique, quand un des nombreux bambini - ce n'est ni du lingala ni du swahili - de la famille invitait ses petits copains à goûter, c'était Yquem qui coulait. 

 

Cette histoire me rappelait le récit fait par certains dialysés, confirmé par des médecins ayant passé quelque temps là-bas où y ayant intelligence. Des machines d'hémodialyse modernes existaient dans la capitale congolaise mais n'étaient pas raccordées et on ne disposait pas d'osmoseur en fonction pour fournir l'eau nécessaire. Donc, certains insuffisants rénaux chroniques faisaient importer les poches pour une épuration péritonéale, ce qui est quand même plus simple, et peut-être même un cycleur. Notez que l'ancien hôpital militaire belge à NOH (Neder-over-Heembeek), maintenant désaffecté mais ayant coûté une fortune au contribuable, recelait également dans ses caves toute une série de dialyseurs tout neufs n'ayant jamais été déballés.

 

Par après, M. Troubat avait repris le joli établissement de Michel Haquin à Genval, le "Trèfle à quatre", tout en maintenant ses rapports avec la chaussée Saint-Pierre. Après vingt-deux années au piano, il a fini par remettre en 2014, mais j'avais déjà quitté la scène (Senne) bruxelloise depuis longtemps, même si on est là dans la vallée du Maelbeek.

 

Actuellement, il participe encore aux activités des "Maîtres Cuisiniers de Belgique", sur le site desquels j'ai trouvé cette déclaration:

" Par quoi passera l’avenir de notre assiette ?

De quoi sera fait demain … ? Je me pose la question et suis inquiet. Il y a un pourcentage de gens qui essaient de bien faire mais ils sont encore trop peu nombreux par rapport à l’agro-alimentaire, aux industriels qui sont de vrais empoisonneurs. Les états ne font rien, n’aident pas les gens à bien faire et quand nous, restaurateurs, tentons de faire au mieux, nous sommes taxés à outrance ! J’ai peur pour nos descendants car aujourd’hui on empoisonne les gens!"

 

Toutes les professions se plaignent bien entendu de la taxation, c'est humain et compréhensible.

Sa "sortie" n'a rien d'étonnant et doit être prise avec recul.

Par contre, le mot d'empoisonneur n'est pas trop fort pour l'ensemble de l'agro-alimentaire

et on s'en rend compte un peu plus chaque jour.

 

 

 

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