MAJOU VA A LA RENCONTRE DE LA MEMOIRE

Le beau ciel est trompeur: chaud au coeur mais froid aux lèvres
Le beau ciel est trompeur: chaud au coeur mais froid aux lèvres

 

 

 

 

 

Mon relatif

"silence blogo" 

de ces derniers jours

vous aura mis sur la voie.

 

 

 

 

 

 

 

Il se passe quelque chose à Majou. En fait, mon ami Marc, le "Marc" récurrent de ce blog, s'est ménagé une période de mise au vert loin de ses obligations familiales, professionnelles, mondaines (il en a peu) et culturelles pour venir nous rendre visite, une semaine durant. De notre côté, nous avons pratiqué un aménagement du temps de travail afin de l'accueillir au mieux et de pouvoir visiter ensemble autant de choses intéressantes que l'agenda le permet. Je vous les conterai par le détail dans les jours qui viennent. 

 

Nous entamerons ces chroniques par leur point d'orgue: la journée d'hier, jeudi 24 mars. Christine nous avait dégoté une bonne adresse potentielle pour développer notre clientèle, en plein coeur de Millau et c'est donc le fief de José qui nous a vus arriver sur le coup de 11 heures, pour une dégustation dans la ville historique, tandis que Marc en profitait pour aller reconnaître la belle cité aveyronnaise.

 

Nous mîmes ensuite le cap vers l'ouest, pour un lunch expéditif - je voulais du pigeon mais mes convives m'en ont empêché pour cause d'emploi du temps - à Saint-Affrique, et avons continué notre route vers les Monts de Lacaune.

 

Les grands-parents maternels de Marc se sont en effet rencontrés pour des raisons historiques: son aïeul a fui la resplendissante Saint-Pétersbourg devant l'avancée des bolchévics, en passant par les rives de la Baltique, avant de gagner l'Allemagne, puis des contrées plus occidentales pour terminer en Belgique. En chemin, il a "ramassé" l'élue de son coeur, une Balte elle-aussi, en Lithuanie. 

 

Et ce qui devait arriver ... arriva: la mère de Marc, la spirituelle et intemporelle Josette, que toute ma famille a adorée, est née chez nous en 1935. On aurait pu mieux faire: les troupes du troisième Reich ont envahi la petite Belgique peu de temps après. En soi, ce n'était déjà pas drôle, mais parmi elles figurait aussi toute la clique nazie, le front national de l'époque. Je dis ceci pour les plus jeunes qui l'ont peut-être oublié.

 

Eh hop, on the road again, direction "la France libre". Pas si libre que cela d'ailleurs, car les miliciens et tout l'appareil de Vichy commençaient à "assigner à résidence" - c'était le terme choisi - ceux des Français qui appartenaient à des familles indésirables, autre terme consacré. La population tarnaise, bon gré mal gré, s'est donc vue augmenter d'un nombre considérable de braves gens chassés de leur foyer par la bête immonde et "casés" du côté de Lacaune. C'est dans ce climat tendu que les grands-parents de Marc et leur fille de cinq ans, sa mère à lui donc, ont atterri par-là. Le hasard veut que Christine soit née à trente kilomètres de l'endroit (bien plus tard bien sûr), à vol d'oiseau, et connaisse très bien les lieux.

 

Comme la population locale ne comptait pas uniquement des braves gens - même s'il y en avait beaucoup - les collaborateurs étaient partout et avaient la dénonciation facile. Une plaque commémorative a gravé pour l'éternité les noms des nombreux disparus (dont des enfants en bas âge). Située à mi-chemin entre le syndicat d'initiatives (Office du Tourisme en France) et l'église de l'Assomption (bâtie au 19ème siècle) à Lacaune, cette énumération nous rappelle symboliquement, à mes yeux en tout cas, combien l'état et le clergé français ont failli à tout esprit d'humanité en ce temps-là.

 

C'est le hameau des Vidals, ou ses environs,  qui allait offrir pendant cinq ans sa protection à la mère de Marc et aux siens ... sauf que son grand-père a rapidement rejoint le combat clandestin à cet endroit précis: le célèbre maquis du Roc de Montalet (encore "pic" ou "forêt" de Montalet). 

 

C'est avec émotion, et par un vent glacial, que nous avons visité les lieux ensemble.

 

Plutôt que la mélancolie, c'est le souvenir riant de Josette - que mon frère et moi appelions poliment "Madame Domb"- qui nous a accompagnés durant le restant de la journée. Elle s'est éteinte, trop tôt bien sûr mais des années plus tard, heureuse parmi les siens, dans son foyer en Belgique, au sein des forêts qui entourent Wavre. Quant au grand-père, pour nous un personnage sympathique au très fort accent russe, toujours d'une activité fébrile et distribuant à la ronde des petits bonbons à la réglisse, il a également connu une fin paisible ainsi que son épouse.

 

Le destin ... 

 

Je suis heureux d'avoir partagé ce souvenir avec Marc.

 

 

 

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Comments: 4
  • #1

    Thierry Charlier (Friday, 25 March 2016 20:54)

    Pas à la réglisse ! C'étaient des pastilles Allenbury's au cassis !

  • #2

    Luc Charlier (Monday, 28 March 2016 10:18)

    Tu es notre Alain Decaux du Rand, Thierry. Reste en vie!

  • #3

    DOMB Anatole (Monday, 28 March 2016 12:33)

    Je suis le père de Marc et un grand ami des Charlier. C'est en fait un gradé de la gendarmerie locale qui a prévenu mon beau-père qu'une descente était prévue, ce qui a permis à toute la famille de se mettre à l'abri. Comme tu le dis si bien, Luc, il y avait les bons et les autres.

  • #4

    Luc Charlier (Monday, 28 March 2016 12:49)

    Merci de cette mise au point. J'ignorais cette information, qui n'est pas anecdotique. Même le vieux désabusé que je suis, disciple indéfectible d'Arthur Schopenhauer, accepte que de "braves gens" nous entourent, en grand nombre. J'espère qu'ils sont la majorité. Hélas, le monde est fait pour les salauds, peut-être même PAR les salauds pour le moment et il suffit d'un ou deux détraqués, d'un ou deux pourris pour que la sérénité s'en aille. Je ne crois pas que j'aurais pu être un héros, mais entre l'héroïsme et la collaboration, le chemin est très long.