UN BON COUP DE FOURCHETTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A peu près

"aussi vieux" que nous,

le Cayrou a déjà 

fait peau neuve

plusieurs fois.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un très curieux restaurant s'est ouvert en 2005 - je crois - dans le vieux village d'Argelès et pas totalement en plein centre.

La même année, un curieux domaine viticole se créait en plein centre du village de Corneilla, pas l'endroit le plus commode pour ce type d'activité. Il s'agit respectivement du CAYROU et de MAJOU.

 

Je ne vous parlerai pas de Majou: ce sont des anti-conformistes dont il ne faut pas suivre l'exemple si on veut bâtir un empire viticole et commercial.

 

Mais je vous en raconterai plus sur le Cayrou. Actuellement, l'enseigne précise arbore: "Le Coup de Fourchette du Cayrou".

Qu'y a-t-il de curieux à cet établissement? Tout. Cela fait une bonne dizaine d'années que le couple - je vous reparlerai d'eux - offre selon moi un "mix" quasiment imbattable entre la qualité de l'assiette, la gentillesse de l'accueil et le montant de l'addition. Or, cette maison ne figure pas parmi les stars officielles du département, on ne s 'y presse pas par centaines et peu de gens en parlent.

 

Commençons par le début. Cyrille Domagala vient de l'est de la France (les environs de Metz je crois) mais possède aussi du sang italien, d'où son nom. Rolande Lopes est issue d'une famille caboverdienne, dont elle a gardé une peau mate, ainsi que le charme et les cheveux "des îles". Ils se sont pourtant intégrés - et je sais comme eux qu'il faut y mettre de l'énergie - dans le tissu social d'une municipalité très "catalane", le maire jouant volontiers de sa faconde "couleur locale" pour composer son personnage de tribun populaire. Ils ont fait sur place trois enfants que nous avons vus grandir ... vite! 

 

La décoration suit le même mode: la salle est petite et les tables restent pourtant agréablement espacées. La version actuelle est au moins la cinquième que je leur connais. A chaque fois, le design fut de plus en plus épuré, donnant de plus en plus une impression de dégagement, d'espace et de chaleur en même temps: couleurs chaudes mais discrètes, décoration vaguement "exotique" et africaine, éclairage très intimiste mais ne flirtant pas avec la pénombre. On s'y sent très bien et la présence des tables voisines est à peine esquissée. Pour arriver à troubler Christine - elle n'aime pas que les moments les plus idiosyncratiques de nos entretiens arrivent aux oreilles d'autrui - il faudrait vraiment que je monte la voix, ce qui n'est pas dans mes habitudes. Au cours de mes démonstrations, il m'arrive d'utiliser des expressions triviales en privé, du genre de "trou duc'", mais, au restaurant, même "petit orifice interglutéal" ne traversera pas mes lèvres de manière audible!

 

Le service obéit à une hiérarchie très stricte: c'est le patron en cuisine, et rien que lui, et c'est Rolande en salle, rien qu'elle. Et la communication est parfaite. Pas d'aboyeur, pas de commis, pas de chef de rang, pas de sommelier. En même temps, il faut bien s'organiser pour venir prendre un repas: la formule du midi s'arrache, les repas de sociétés sont fréquents, dont la gent médicale profite pour solliciter les faveurs de la délégation médicale - j'ai très bien connu cela - et le soir, c'est souvent archi-plein. Tout est relatif, le couple ayant fait un choix qui gagne du terrain: peu de couverts et pas de personnel extérieur.

 

Et l'offre , me direz-vous? Là aussi, au fil du temps, le Cayrou a trouvé SA méthode. Il s'agit d'un menu unique (un pour le midi et un autre, différent et plus élaboré, le soir) à rotation hebdomadaire, avec en outre un week-end "à thème" une fois par mois. Moi, j'adhère totalement. Nous mangeons assez bien à la maison (vigneron au fourneau), de manière variée, et je ne sais quasiment pas m'en tenir à la cuisine dite familiale. Je sors donc assez souvent de l'ordinaire. De même, la pâtisserie (responsabilité de ma seconde de rang) est de qualité.  Au restaurant, le vrai plaisir est donc de goûter quelque chose d'encore différent, de plus inventif et de mieux maîtrisé que chez moi. Conclusion: laissez faire le chef. En plus, j'aime tout et ne présente aucune allergie alimentaire. 

 

Nous avons probablement mangé 12 ou 15 fois à Argelès, après toutes ces années, et l'inspiration du chef est ... internationale. Pour schématiser, il construit ses assiettes autour d'un élément principal (souvent un légume pour les entrées) et y ajoute de quoi rendre le tout plus complexe. Il n'utilise pas beaucoup d'épices différentes, mais son choix est souvent original. Son genre de cuisson me plaît, avec une tendance à ne pas prolonger les temps de cuisson plus que ce qu'il ne faut. C'est ma préférence aussi. Enfin, les goûts sont toujours affirmés: le crabe vous donne des arômes de crabe, le porc "a goût à cochon" et les asperges ... eh bien, vous savez que vous les retrouverez quelques heures plus tard sous forme liquide.

 

La carte des vins est éminemment variable et dépend des humeurs de la maison: Cyrille est un vrai amateur de vin, de tous les bons vins, et Rolande sait vous conseiller ce qui ira bien avec votre commande. Actuellement, les trois couleurs (également représentées) tiennent sur une page, avec beaucoup de vins au verre, et la fourchette des prix est étonnament pincée: entre 22 et 29 euros. Je n'avais jamais vu cette option ailleurs mais elle a un sens: on fait son choix en fonction ... du vin, et non du prix affiché dans la colonne de droite. Et je suppose qu'elle correspond aux désirs les plus courants de la clientèle. Cela signifie aussi que la maison gagne sa vie grâce au talent de son chef et à la qualité de son accueil, pas en vendant des flacons à des prix exorbitants. En contrepartie, l'absence de "grand vin" signifie aussi que , malheureusement, les dîneurs ne sont plus prêts à faire un petit effort sur le flacon, même quand le repas est délicieux. En dehors de toute considération commerciale - je ne vends pas de bouteille chère, personnellement - je déplore quand même un peu que, pour une occasion spéciale et avec un très joli menu, les gens ne sachent plus "se lâcher" un peu.

 

Après quatre tentatives infructueuses ces six derniers mois - je me décide souvent très tard, à quelques heures des couverts souhaités - on m'a enfin accepté à table (clin d'oeil) hier soir. Nous avons excessivement bien mangé: mise en bouche (avec une variante poir Christine car il s'agissait ... de petits gris), premières asperges de 2016, porc ibérique, quelques fromages et une assiette de dessert articulée autour de la poire, des noisettes et d'un parfait au yaourt! Nous avons bu un vin du coin, mi-grenache gris, mi-grenache blanc, vinifié en demi-muid neuf avec finesse: 15 vol % d'alcool, bien sec et au sulfitage pas excessif. Vous n'attendez quand même pas que je vous livre le nom du domaine, en plus! 

 

Merci à Rolande et Cyrille pour cette excellente soirée et bon courage pour 2016.

 

 

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