PAS QUE LA DALLE EN PENTE

Les deux motrices désaffectées et le bief en pente
Les deux motrices désaffectées et le bief en pente

 

 

 

 

 

Bien sûr,

j'ai visité Ronquières 

ainsi que les 

ascenseurs hydrauliques

du Canal du Centre.

 

 

 

 

 

 

 

Mais les affiches situées le long de l'autoroute représentant la "pente d'eau" de Montech m'intriguaient.

 

Comme je vous l'indiquais hier, et ma série se poursuivra plus tard, nous avons longé différents segments du Canal des Deux Mers en cours de week-end pour tomber, presque par hasard (comme on suit un regard), sur l'ouvrage, hélas désaffecté depuis 2009, de la Pente d'eau de Montech. 

 

Au niveau de cette bourgade, cinq écluses permettent de franchir un dénivelé de 13 mètres environ. Il faut la majeure partie d'une heure pour les franchir. Depuis 1974, une dérivation permettait aux embarcations (jusqu'à 30 mètres de long) d'effectuer le même parcours en vingt minutes, par un système réellement ... ingénieux, d'ailleurs mis au point par l'ingénieur Jean Aubert.

Il l'avait sans doute annoncé par Téléphone.

 

De quoi s'agit-il? Une tranchée centrale, suivant une pente de 3 %, sert de "canal incliné" qui permet d'y entretenir un "coin d'eau" par une alimentation continue. La surface du coin, horizontale par force, permet de faire flotter la péniche convoyée. La partie frontale du coin butte contre l'ensemble des motrices qui vont faire bouger le tout. Je vous détaillerai cela. Et le troisième côté du triangle rectangle, son hypoténuse comme aurait dit Pythagore, est constitué par le fond en béton de la tranchée.

 

Le long de la tranchée, de chaque côté, un rail de béton guide l'évolution de la machine motrice, elle même posée sur de grands pneus en caoutchouc, qui assurent sa progression sur la terre ferme. La machine motrice accouple par un joug d'acier très important les deux tracteurs de part et d'autre de la tranchée. En effet chacun de ces tracteurs ressemble aux antiques michelines de la SNCF, mais peint en bleu et blanc et non en rouge. Ils sont mus chacun par un gros engin diesel de 1.000 CV, qui fournit l'électricité nécessaire à mettre le tout en branle. Un système de freinage puissant permet aussi de ralentir la masse d'eau, au bas de la pente notamment, ou bien en arrivant en haut lors des remontées. Mais cette manoeuvre-ci doit être moins gourmande en puissance / énergie.

 

Une "porte", appelée masque, est solidaire des deux motrices. Elle joue le rôle d'une porte d'écluse et retient la masse d'eau lors des descentes, ou au contraire la pousse lors des montées. Elle doit être parfaitement étanche, sur le fond et aussi sur ses flancs. Entre elle et le bateau convoyé, un bouclier permet de solidariser ce dernier et de l'assurer, servant aussi d'amortisseur.

 

On relève cette espèce de portique pourvu de vérins hydrauliques lorsque la péniche quitte le dispositif ou bien y rentre. Celui-ci se trouve "à l'entrée" lors des remontées, mais "à la sortie" après les descentes. Le bateau passe alors en-dessous du masque relevé et rejoint soit le bief d'amont, soit le bief d'aval où il continue sa route, à niveau. SUPERBE.

 

Malheureusement, et je n'ai pas bien compris pourquoi, on a interrompu l'exploitation et on a même démantelé les puissants moteurs. Les raisons invoquées sont le passage à un autre gabarit (normes Freycinet etc...), la désaffection des transporteurs pour le transport fluvial sur cette portion et des mesures de sécurité. Mon esprit mal tourné soupçonne d'autres motifs: un ou plusieurs incidents tenus secrets ou en tout cas discrets, des règlements abscons (on est en France, ne l'oubliez pas) ou le puissant lobby des transporteurs routiers qui s'efforce par tous les moyens, et partout, de faire privilégier la route aux alternatives pourtant moins énergivores. Enfin, cette puissante machinerie était très polluante et bruyante, mais sa conception qui date d'un demi-siècle à présent devrait pouvoir être améliorée de nos jours. Il existe d'ailleurs un projet de réhabilitation, mais il a du retard (on est en France, je le rappelle) et son financement n'est pas bouclé.

 

Moi, je suis très nostalgique de cette belle machine que je viens de découvrir. J'aurais aimé la voir fonctionner. En plus, n'ayant aucune espèce d'imagination, j'admire le génie créatif de ceux qui ont pensé le système et l'on construit. Pour cela aussi, on est en France, laissons à César ce qui lui revient de droit. Ils sont bordéliques, braillards, fainéants, arrogants et procéduriers, les Français, mais très inventifs et créatifs. Raciste moi? Oui, bien sûr, mais pas du tout xénophobe, ce n'est pas la même chose.

 

Enfin, je vous ai montré l'excellentissime Yves Van Laethem, le chantre multi-média du Zyka en Belgique francophone, où on ne peut plus ouvrir un seul poste de "TSF", ni allumer un seul tube cathodique (qui n'en est plus un) sans l'entendre à ce propos, visiter avec Carla la série des écluses de Fonserannes, en-bas de Béziers. C'était à la fin août 2014. Sans le savoir, nous nous trouvions alors à quelque mètres de l'autre "pente d'eau" existant dans ce bas-monde, construite sur un principe similaire et à peu près contemporaine. Mais celle-ci ne fut jamais exploitée commercialement. Eh oui, on est France, effectivement.

 

 

Ce n'est pas rien d'être éclusier

Vers le printemps

Les marinières

M'font des manières

De leur chaland

J'aimerais leur jeu

Sans cette guerre

Qui m'a un peu

Trop abimé

Dans mon métier

C'est au printemps

Qu'on prend le temps

De se noyer

 

(J. Brel)

 

 

 

Write a comment

Comments: 1
  • #1

    thierry charlier (Tuesday, 16 February 2016 09:43)

    Quelle ingéniosité !