ET LE PORC, ALORS?

 

 

 

J'ai reçu un courrier,

une circulaire,

de la MSA.

 

 

 

 

 

 

Pour mes lecteurs belges, je précise que le système de sécurité sociale français, dont ce pays est si fier, est organisé "à la française" et de manière très inégale. Les agriculteurs doivent obligatoirement être rattachés à ce qui s'appelle la

"Mutuelle Sociale Agricole" (MSA) qui diffère de beaucoup d'autres professions, et notamment du régime général.

D'autres branches d'activité ont aussi un régime spécifique.

 

Le thème n'est pas de juger ni du bien-fondé de cette partition, ni de la qualité des prestations. Mais cette même MSA dispose d'énormément de renseignements - et sans doute de beaucoup d'autres en sous-main, dont je ne me rends pas compte - sur la sous-population des agriculteurs. Elle offre aussi des services spécifiques, partie image-building, partie démagogie, partie poudre-aux-yeux mais sans doute aussi partie nécessité.

 

La première cause de décès chez les agriculteurs et leur famille proche, ce n'est PAS les accidents de golf, de montagne, de rallye automobile, de raid transatlantique. Ce n'est même pas un accident d'engin agricole ou de la route en période de livraison. Ce n'est pas non plus l'alcoolisme. Non, ce sont les cancers. Pour ceux de la sphère digestive (pancréas et estomac surtout), leur fréquence est de 30 à 40 % plus élevée que dans la population générale. Merci Monsanto, Bayer, Rhône-poulenc et tous les autres.

 

La deuxième cause de décès sont les accidents cardio-vasculaires.

 

La troisième cause de décès, c'est LE SUICIDE.

La troisième cause de décès en fréquence!

 

Le courrier de la MSA m'annonçait qu'elle mettait à ma disposition une ligne d'écoute (pas gratuite cependant, mais néanmoins sans surtaxe) pour répondre à mes besoins éventuels. C'est aimable. Je ne pense pas faire l'objet d'une sollicitude spécifique, ni donner des signes extérieurs alarmants. Si tel est le cas, ils sont trompeurs. Ma santé mentale est parfaite, en tout cas autant que ce soit possible pour Luc Charlier. Non, c'est vous dire à quel point il a paru nécessaire de faire quelque chose face à la détresse des agriculteurs, de certains agriculteurs.

 

Quand je suis arrivé à Estagel, en février 2005, j'ai vite été récupéré par le milieu viticole populaire, qui était le cercle dans lequel j'évoluais. Beaucoup étaient des membres du parti communiste, ou l'avaient été, et gardaient des contacts - très chaleureux et solidaires d'ailleurs - avec leurs camarades et les structures de type "cellule". Mais une chose m'a frappée: tout était vigneron. La grosse masse des autres travailleurs, des autres métiers pour faire plus neutre, c'est comme s'ils n'existaient pas. Ici, la "conscience prolétarienne" est viticole. Cette gauche est ... corporatiste. 

 

Avant d'arriver ici, sans pourtant posséder une affiliation franche qui aurait été contrefaite, je fréquentais plus les fractions / factions actives des alternatifs et des libertaires, des écolos, de l'environnement du PVDA/PTB, mais pas de marginaux. C'est sans doute lié à la "grande ville" (BXL) mais la clientèle de la gauche est beaucoup plus hétéroclite, plus ouverte en fait. On y notait quand même une surreprésentation des fonctionnaires, notamment les services de la poste, des compagnies d'électricité, du chemin de fer ...

 

Donc, car ce long préambule était nécessaire, tout cela pour mettre l'accent sur une catégorie d'agriculteurs qui vit des moments TRES DIFFICILES: les élevages porcins. Je ne défends pas du tout le mode d'opération intensif qui est la règle dans cette filière , c'est un autre débat. Je ne vais pas non plus vous décrire dans le détail le fonctionnement de cette branche.

 

A part les petites exploitations avec quelques dizaines de cochons à l'engrais (100 au grand maximum), disposant souvent  de races indigènes et rustiques, notamment les porcs noirs gascons mais pas uniquement, et souvent en stabulation libre pour une bonne partie de leur existence, le reste consiste en entreprises affiliées à des grands groupes, recevant le porcelet "clé en main" et le poussant jusqu'à un âge peu avancé. Le gain est minime par bête et la survie est tributaire du prix du marché. Il existe, en gros, deux acheteurs principaux, qui font la pluie et le beau temps, et fonctionnent sur le schéma d'un libéralisme implacable, soutenu comme d'habitude par la FNSEA et les gouvernements successifs de la France (c'est la même chose).

 

Le cours de la viande de porc est à peine au-dessus d'un euro le kilo pour le moment, il faut le savoir. 

Et le nombre de suicides réels est très élevé. Il ne s'agit pas du "vieil agriculteur isolé et neurasthénique" présenté de manière caricaturale à la recherche d'une compagne top-model dans la télé-réalité. Non, ce sont des chefs d'entreprise (homme ou femme) bien dans le réel, possédant une ferme, un élevage, avec conjoints et enfants. 

Certains ne lisent plus leur courrier,  refusent  les envois recommandés, ne quittent plus les limites de la propriété et ne se rendent jamais à la banque. Cette profession est en danger.

 

Notons qu'un pan de l'industrie laitière ne va pas mieux. 

 

Dans la viticulture, la situation est difficile également, mais les causes ne sont pas identiques et le tableau est beaucoup plus hétérogène. En outre, il s'agit d'un produit de luxe, même si certains pays producteurs ne veulent pas considérer le vin sous cet angle-là. 

 

Il faut sauver le porcher Yvan.

 

 

 

 

 

Write a comment

Comments: 0