OENOTOURISME: LE "BUREAU OF INDIAN AFFAIRS"

Château de Durfort
Château de Durfort

 

 

 

 

Tout y est:

deux châteaux en ruines,

un promontoire calcaire,

de la vigne,

un village ...

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous sommes dans le Termenès. Le quoi ?

Là n'est pas mon sujet.

 

Le métier de vigneron n'est pas "un". On sait qu'il regroupe toute sorte d'activités, pas forcément compatibles mais indispensables: jardinier d'abord, technicien ensuite, chimiste, meneur d'hommes, comptable (aide-comptable en tout cas), investisseur, hôte, homme de communication, femme de chambre et hôtesse d'accueil, échanson, mécanicien, vendeur, montreur d'ours, pilote d'engins ...

Là n'est pas mon sujet.

 

Il n'est pas "un" non plus en ce sens qu'il existe au moins deux types d'exploitations: les grosses,  et les moins grosses voire les petites.

Ceci commence à être mon sujet.

 

"Ils" cherchent à séparer les vignerons en catégories: les bio et les autres, les naturistes et les autres, les typiques et les internationaux ... C'est vrai que toutes ces spécificités existent, mais elles font la richesse de cette oenosphère.

 

Le problème principal de notre profession n'est pas le réchauffement climatique, la résistance en augmentation des parasites aux moyens de les combattre, la complexité technique, la difficulté à trouver et à gérer les collaborateurs. Non, c'est d'arriver à vendre le plus gros de la production, pour tout le monde.

 

Et là on aborde mon vrai sujet du jour par le biais d'un de ses acteurs: la clientèle.

Pour simplifier les choses, il y en a trois: la restauration, les particuliers et le commerce du vin (toutes facettes confondues, du courtier en vin à l'épicier qui possède un assortiment de vin sur ses rayonnages).

 

Je vous parlerai aujourd'hui de la clientèle des particuliers, c-à-d vous, amis lecteurs (pour la plupart). Je suis intimement convaincu qu'elle prendra de plus en plus d'importance, d'autant que c'est aussi elle qui sera le "point final" pour les restaurateurs et les commerçants.

 

Les "gros domaines" ont un moyen de se faire connaître: la publicité au sens large. Cette méthode permet aussi d'entretenir l'image générée.

 

Les plus petites structures (limite à déterminer, et variable suivant les situations) ne le peuvent pas ... et parfois ne le souhaitent pas non plus. Le baba-cool sur le plateau de l'Ardèche ou dans un coin reculé des monts du Beaujolais souhaite aussi vendre son vin (parfois excellent) mais pas forcément au prix de gigantesques panneaux sur la route, d'encarts dans la presse locale de cocktails à la préfecture ou au Kiwani, de spots sur FR3.

 

Non, il faut amener les gens à venir nous voir et aussi aller chez eux, directement. La visite du vigneron dans le cercle de ses clients ne vient qu'en deuxième lieu, une fois que la relation est établie. J'y tiens beaucoup, personnellement, et j'adore ça. mais cela prend énormément de temps, cela coûte cher et cela ne sied pas à toutes les personnalités.

Donc, reste la visite au domaine, spontanée le plus souvent, ou "déclenchée".

 

Ou alors ... l'oenotourisme. Cette tendance se développe, et présente de nombreux attraits. Je ne vais pas vous faire l'analyse "swat" de cette activité mais, en gros, elle augmente la notoriété du vigneron, de son appellation, de sa région et des professions annexes (hôtellerie et autres hébergements, restauration, établissements touristiques, loueurs en tout genre, agence de voyage ...).

 

Parfois, elle est source de revenus immédiats: chambres d'hôtes au domaine, repas vignerons, vente sur place et expéditions.

 

Conclusion: tous les organismes de promotion tablent fort sur elle et, en toute honnêteté, il me semble que l'oenotourisme est une bonne initiative et qu'il va se développer.

 

Mais, moi, le vieux con, je n'aime pas cela et je n'en veux pas chez moi.

A ce stade, pour ne pas tomber dans l'absurde et la caricature, je précise ma pensée de départ. Un couple ou un groupe d'amateurs qui passent à la cave, et qui va croquer le pique-nique à la vigne avec moi, j'adore ça. Un restaurateur qui nous suit pendant un week-end, qui vient voir les vignes, qui partage ma table et la chambre d'amis, ça m'enchante. Un journaliste qui partage 24 heures de ma vie: super. J'ai déjà accueilli un sommelier pendant une semaine de vendanges aussi. Je vais même plus loin; je souhaiterais qu'il y en ait 5 ou 6 fois plus souvent que présentement.

 

Ce que je ne veux pas, ce sont les autocars bondés. Ce qui me gêne encore plus, ce sont les "tours operators" qui vendent de la "visite à la vigne", comme ils fourguent une tournée des châteaux cathares ou bien du Loiret. Je n'ai pas de locaux adaptés, mais il me pèserait aussi de servir de taulier, de barman, d'aubergiste à de parfaits inconnus de passage.

 

La vigne est bien assez compliquée comme cela sans y ajouter les professions de l'Horeca (CHR en France). En outre, il existe des spécialistes pour cela: les chambres d'hôtes à part entière et le tissu hôtelier professionnel. Il ne faut pas leur ôter le pain de la bouche.

 

Vous me connaissez, le "pire" vient toujours à la fin chez moi. Tel un scorpion, je pratique le in cauda venenum. Montrer le vignoble comme une réserve indienne me paraît honteux. En outre, les "organisateurs" constituent un chaînon de plus de cet ensemble que j'appelle "les parasites" qui vivent sur le dos des producteurs. Ils imposent aux intervenants des prix au ras du plancher pour optimiser leur marge à eux.

 

Attention: les domaines de taille moyenne qui disposent de locaux (anciennes maisons des vendangeurs, grand mas ...) et du personnel (famille nombreuse, parents, employés à demeure) pour organiser tout cela eux-même ont raison de le faire. Ils ne sont pas du tout la cible de ma réticence. Et les exploitations de grande taille, qui ont été conçues dès le départ dans ce but, ont également raison. Mais là, nous ne parlons plus de domaine viticole, on est dans l'industrie agro-alimentaire, un autre métier que le mien.

 

Cette prise de position n'engage que moi. Si elle était largement publiée et visible, ce qui n'est pas son but, je m'attendrais à un grand nombre  de commentaires, dont certains virulents. Je serais un vieux con, un réactionnaire, un aigri, un snob. J'aurais même droit à un (ou plusieurs) : "Eh bien, crève dans ton coin, sur ton vin invendu". Heureusement, je ne suis pas très exposé et ceux qui me lisent comprendront cette profession de foi personnelle, humble et digne. Je ne donne de conseil à personne, je ne distribue pas de réprimande, je dis simplement: "Venez me voir de vous-même et vous serez TRES BIEN accueillis".

 

Pour le barnum, non merci!

J'ai choisi sur le tard de devenir vigneron,

pas bonimenteur de foire ni chef sioux alcoolique.

 

 

 

 

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Comments: 2
  • #1

    David Cobbold (Tuesday, 12 January 2016 10:32)

    Cela me paraît couler de source Luc. Je te connais bien plus saignant sur certains sujets. Dans ce cas tu est simplement logique : c'est une question de taille, de choix dans l'organisation, et de moyens. Ton choix est délibéré et parfaitement adapté à ton cas.

  • #2

    Michel Smith (Tuesday, 12 January 2016 22:37)

    Quant à moi, que tu le veuilles ou non, je diffuse ta gueulante