BAPTISE (ET PAS TONDU) EN DEUXIEME CANDI

Quarante ans plus tard
Quarante ans plus tard

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout n'est pas si simple ...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En Belgique, on appelle "baptême" le bizutage. Dans la faculté où j'ai fait mes études, cette intronisation/initiation a lieu un peu avant la Saint-Vé, de manière à ce que le "bleu" soit devenu un "poil" pour pouvoir fêter notre saint patron. Il faudrait tout un lexique pour comprendre, mais on va faire simple.

 

Dans ce pays, les universités d'état sont rares: une à Liège (en français) et à Gand (en flamand), assez complètes, et quelques antennes à Mons, Anvers ... que sais-je encore. Et puis, il y a les deux "grandes": celle de Louvain, catholique et le revendiquant, qui fut une des premières en Europe (avec Padoue, Coimbra, Montpelllier, une encore en Bohème ..., je cite de tête) et celle de Bruxelles, libre-exaministe et le revendiquant. Elles possèdent toutes les deux une antenne francophone (à Louvain-la-Neuve et à Bruxelles-centre) et une antenne néerlandophone (à  Leuven/Louvain et à Brussel/Bruxelles), qui s'entendent moyen-moyen en dépit de leur idéologie partagée.

 

Pour l'université de Bruxelles, qu'on appelle "libre" alors qu'elle n'est pas confessionnelle - en France, l'enseignement "libre" est d'ordinaire catho - un personnage du nom de Pierre-Théodore Verhaegen a joué le rôle de père-fondateur avec inauguration le 20 novembre 1834. Depuis lors, la Saint-Verhaegen lui rend hommage, chaque année en date du 20 novembre. Un grand cortège traverse la ville.

 

L'aspect bon enfant et festif me plaît. L'aspect "privilège de classe" et "beuverie" me convient moins.

D'une faculté à l'autre, l'ambiance des baptêmes change fort. Mon affiliation , le "geneeskundige kring" à la VUB, organisait jadis des initiations très alcoolisées et au caractère érotique et sexuel marqué. Ce n'était pas pour me déplaire. Par contre, peu d'excréments, pas de dégradation de la voie publique et pas de caractère sado-maso entre le nouveau-venu et son parrain de baptême. Parfait. Heureusement pour moi, j'ai rarement froid, car on passe beaucoup de temps à poil, y compris dans la rue, et il fait froid en Brabant à la fin novembre.

 

La "penne" désigne à la fois le bizarre couvre-chef que l'on porte (ou pas) et sa visière. L'accoutrement se complète d'une blouse de labo, blanche mais obligatoirement défraîchie, remplie de slogans. Sur la mienne, les copains avaient inscrit: "Pas encore démocrate mais déjà phallocrate" et "Fighting for peace is like fucking for virginity". Tout un programme. J'étais délégué d'année et passais pour un gauchiste, pourtant issu d'un milieu bourgeois et ne le cachant pas. Mais j'ai toujours été internationaliste et fervent défenseur de la REDISTRIBUTION.

 

D'ordinaire, on se fait baptiser lors de la première année. Je n'ai pas voulu. 

D'abord, je n'étais pas sûr de continuer et n'aurais PAS redoublé mon année si j'avais échoué: impossible à cause de mon amour-propre. Ensuite, le côté "fils à papa" de la mentalité universitaire me déplaît. A l'époque, ma faculté comptait tout ce que la Flandre possède de libres-penseurs de la classe moyenne et aisée, un bon nombre de Juifs anversois, et des Hollandais ou Sud-Africains, à cause de la langue. Très peu de Bruxellois de souche, comme moi. Il m'a fallu quelque temps pour m'y créer un cercle de proches et aussi pour m'habituer à prendre des notes autrement qu'en français, qui fut la langue de mon enseignement secondaire (votre "lycée").

 

Ayant contre toute attente passé les examens avec un minimum de dégâts - oh, sans briller tout de même - j'ai décidé de faire le baptême en deuxième candidature. Je me souviens que mon ami Rodolphe - pas vu depuis 30 ans mais on se retrouvera bientôt et cela me fait grand plaisir - était dans le même cas. Mais j'ignore ses raisons: il était un étudiant plus brillant que moi, avait fait son secondaire en néerlandais et n'est pas "de gauche". 

 

Une chose me révolte: la "collecte pour l'oeuvre de la soif". Les étudiants hantent les trottoirs pendant 10 jours en faisant la quête pour alimenter leur ébriété lors de la St-Vé. Et ce sont des gens beaucoup moins aisés qu'eux qu'ils vont ainsi "taper". Je m'y suis toujours opposé. C'est mon "argent de poche" qui payait mes cuites et j'en ai eu pas mal ... à la bière bien sûr.

 

Vive la Saint-Vé pour ses valeurs festives, laïques, universelles et un peu dionysiaques,

mais avec une réserve pour son image de classe.

 


Write a comment

Comments: 0