RESTO EN VRAC

La photo est "truquée" mais l'ambiance est rendue
La photo est "truquée" mais l'ambiance est rendue

 

 

 

 

 

Une soirée inattendue.

 

 

 

 

 

 

Comment vous expliquer? 

Nous en sommes à la quatrième rencontre avec Christophe Arthur, et le personnage nous plaît.

 

Il a déjà tenu plusieurs restaurants, en différents endroits et sous différentes formules. A part les "maisons familiales" établies depuis longtemps, il doit être très compliqué de lancer une affaire, de la faire fructifier et de la pérenniser. J'ai beaucoup d'estime et de respect pour ces enthousiastes, d'autant que vous avez réalisé que la Loute emprunte cette voie aussi.

 

A 24 ans - bientôt 25 - elle m'a dit avec sagesse qu'elle aimerait bien avoir son affaire à elle un jour (gestion), mais qu'en attendant elle voulait apprendre le métier, connaître toutes les fonctions, et travailler longtemps comme chef de salle dans un bel établissement. Elle n'est pas folle, ma petite guêpe. J'espère que la vie ne la décevra pas.

 

Mais revenons à Narbonne. Sur ce secteur, il y a un leader incontestable: Lionel Giraud. Christine et moi adorons sa cuisine, sa simplicité, la gentillesse de son personnel, le cadre ... Après, pour une ville de cette importance, les restaurants à prétention gastronomique/bistronomique/gourmande n'étaient pas légion. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas deux ou trois adresses où on mange bien, mais ... plutôt moins bien qu'à la maison. Et une espèce de "self-service à volonté", même s'il travaille et connaît un réel succès, ce n'est pas ma conception de la table. Toutefois, il crée de l'emploi et je n'en dégoûte pas les autres. 

 

Il y a un peu plus d'un an, je cherchais un exotique sur Narbonne. Vu la population, je pensais tomber sur une offre diversifiée. Que nenni. Une adresse qui m'intéressait était fermée ce jour-là mais j'ai lu un entrefilet sur "Les Saveurs du Patio". Nous n'avons pas réservé, avons poussé la porte de bonne heure et avons trouvé une salle un peu austère, mais recherchée, et une jeune femme "chic" et très avenante, habillée avec goût pour nous accueillir. Nous avons fait un repas au-delà de mes attentes, soigné et original, et la carte des vins était variée, un peu convenue toutefois et fort "audo-audoise". Bilan plus que positif. Le chef est venu nous saluer, en compagnie de son associée, et nous avons engagé la conversation. 

 

Rentrés à la maison - une heure de route quand même - j'ai voulu en savoir plus. Je ne vous dirai pas tout ... je ménage mon suspens. Disons que l'accueil de ce nouvel arrivant par une fraction des clans locaux a été ... mitigé, de petites frappes passant même à l'intimidation avancée. Bienvenue à Narbonne!

 

Nous y sommes retournés après quelques mois prendre le repas gastronomique qui a achevé de nous convaincre. La carte des vins avait évolué aussi. L'équipe de la Table Saint-Crescent avait entretemps lié des liens avec eux aussi. Les restaurateurs intelligents ont compris qu'il faut 4-5 offres de qualité dans une ville pour attirer la clientèle venue d'ailleurs et les "gastronomades". N'est pas Marcon, Bras ou Goujon qui veut et l'isolement rend les choses moins simples. Une grande ville comme Montpellier, pourtant enrichie par le favoritisme injuste né du "Système Frêche", éprouve elle-même des difficultés à garder ses bonnes tables. Même les jumeaux Pourcel plient bagage. 

 

Entretemps, il suffit de lire la presse, des tracasseries d'ordre administratif mais surtout une inondation désastreuse sur un bâtiment présentant quelques défauts de structure ont entraîné  des retards d'activité pour cet établissement. Ce n'est que vers la fin des vendanges dernières que nous avons passé une heure à faire déguster la gamme - sauf l'Eglise que j'avais oubliée à la maison - à un chef que nous avons trouvé enthousiaste et allant de l'avant, alors qu'il a connu à peu près toutes les adversités possibles. Son équipe aussi a fait peau neuve.

 

Christophe Arthur aime la musique. Il est batteur amateur à ses moments perdus. Depuis le début, il s'efforce de mettre sur pied des dîners-spectacles musicaux, surtout à tendance jazzy. Et hier soir, nous avons été voir - écouter plutôt - cela.

Maxime Leforestier chantait des paroles très incisives en 1973 : "Si le steak qui te résiste (...) est meilleur que mes chansons tristes, je ne chante pas pour toi ... etc" et les boîtes de jazz où le bruit des conversations et le choc des verres couvrent les musicos sont pitoyables. Mais il y a des formules qui me plaisent.

 

A la gare de Narbonne (c'est à 30 mètres de là), le chef a retenu un schéma qui marche: menu unique, vin compris, et on sert l'apéro ainsi que l'entrée vers 20 h 30'. Les musiciens jouent un premier set au terme duquel le plat est proposé. Le dessert arrive au moment de leur break, et ils reprennent au moment où le repas pense à boire le café/thé.  Bien sûr, ceux qui attendent l'Academy de Saint-Martin-in-the-Fields au grand complet en sont pour leurs frais, ainsi que ceux qui souhaitent un banquet de dégustation en 15 services avec caviar, langouste et toute la panoplie de Nestlé, Royco ou Givaudan. Ici, pas d'agar-agar avec les guitares, pas d'amidon sur les Gibsons, pas de pépite d'or sur la Sonor, pas de crème épaisse pour la Ibanez

 

En salle, les deux serveurs arrivent à glisser un petit mot à tout le monde sans perturber le bon déroulement. C'est bien ainsi.

 

Une idée du "solide"? Une crème de champignons en trois textures, saison oblige, et ensuite une daube très effilochée (cuisson longue et réussie) présentée autour d'une kyrielle de légumes à l'ancienne, fermes et savoureux. Un blanc de Limoux (chardonnay d'altitude) irréprochable et un assemblage traditionnel de type "Languedoc" sur la viande. 

 

Une idée du "bruit"? C'était "Hommage à Charles Trenet", pas forcément ce que j'aurais choisi spontanément. Et j'aurais eu tort. Dans sa bonne ville natale, un quintet de passionnés ("Chansons en vrac") a fait revivre des anecdotes sur le poète-compositeur. Georges Pistre et son petit monde ont interprété un florilège du "fou chantant "(sauf "la Mer" conservée pour un rappel qui est parti en eau de boudin car l'assistance a communié de manière informelle avec le groupe). Moi, je retiens le jeu très subtil, swingant et virtuose du piano, Michel Pascal, bien soutenu par des side-men qui jouent ensemble depuis 15  ans. Quand de vrais musiciens "relookent" le vieux Trenet, le côté un peu désuet et cul-cul qui me déplaisait chez le bonhomme fait place à son vrai talent: la légèreté, la poésie, de douces mélodies et "Y'a d'la joie, partout, y'a d'la joie".

 

Bravo au band, bravo au chef.

On en redemande.


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