PASSAGE OBLIGE D'UN FIN BEC

La crête des Trois Becs vue du sommet du Donjon de Crest
La crête des Trois Becs vue du sommet du Donjon de Crest

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nous avons pris

le chemin des écoliers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sortis de l'autoroute à Orange, c'est ensuite par Vaison-la-Romaine, les vues sur le Ventoux, les Dentelles de Montmirail, les beaux villages de Cairanne et Rasteau - perles de la Côte-du-Rhône - et enfin Nyons que nous avons pénétré en Drôme Provençale. Cet extrême est du département, là où la plaine rhodanienne devient Pré-alpes, offre des paysages de toute beauté au moment où l'automne installe ses tons chamarrés. La forêt de Saoû et tout le Diois châtoient.

 

On passe sous les Trois Becs, ces crêtes calcaires formées de la Roche Courbe (1548 m), Le Signal (1559 m) et le Veynou

(1589 m). Sous certains angles, on leur prête la forme d'une femme allongée et de sa poitrine, comme à l'Espinouse et au Caroux. D'autres y reconnaissent le gros tarin, la lippe et le menton fuyant de Charles De Gaulle. 

 

Peu importe, les Trois Becs m'ont servi d'étape et de repère avant de devenir ... fin bec. Quant à la Tour de Crest et ses 53 mètres à gravir, nous en reparlerons une autre fois.

 

Vers 20 h 30', nous étions à pied d'oeuvre dans la salle de restaurant du Carré d'Alethius, tendue de gris perle rehaussé d'un vert olive clair et de quelques autres touches tranchantes et contrastées. Les tables sont éloignées l'une de l'autre et disposées sur toute la longueur d'une aile du bâtiment. On nous sert du Colombo à l'apéritif, bien vif, pas trop boisé et hop, les mises en bouche disparaissent.

 

Une mousse au safran recouvre un velouté de châtaignes (fumées et grillées), parsemé d'un équivalent espagnol de la Bressaola: la Cecina. Il faut plonger la cuiller à travers tout pour bien en profiter. Et on boit "local". Enfin, par l'intermédiaire d'un négociant bourguignon de renom: le Grand Ardèche, du chardonnay bien entendu. 

 

Les saint jacques sont finistériennes, prétexte à un autre ingrédient breton: le chou fleur proposé vanillé et accompagné d'une petite bourse tronquée contenant  un beurre au fruit de la passion. Qu'est-ce qu'il a bien pu nous trouver pour accompagner cela,  le sommelier de la maison? Un condrieu très élégant (si si, ça existe), sans aucun fard et sec comme une trique, de chez Finon. Il a perdu un rien de fraîcheur en se réchauffant. Je parle de sa qualité aromatique bien sûr, la lapalissade est une feinte. 

 

Un point d'orgue avec la lotte. Normalement, la baudroie ne vaut que par sa texture et sa préparation: sa chair est aussi quelconque que son nez est vilain. Eh bien, pas cette fois: basse température et une espèce de "laquage" à la betterave, plus un velouté à l'oseille et du riz sauvage incroyable de saveur lui ont conféré des sensations très contrastées. Il y a un poil de marée (comme une barbue), un poil de terreux (la betterave) et la touche acidulée du simple. Accompagnement: du pinot noir! Oui oui, un menetou jeune et très peu soutenu (couleur d'un poulsard, même pas) qui s'est révélé un excellent choix. Le vin en lui-même

ne représente pas forcément ma "tasse de thé", tout infusion légère qu'il soit. Mais la combinaison marche très bien. 

 

Passons au lièvre à la royale: Christine a fait semblant de commencer à être rassasiée (le pain est très bon, notamment la miche à la farine de châtaigne) pour m'abandonner une partie de sa part. Je n'ai pas eu le coeur de refuser. Vous vous doutez bien qu'une maison comme celle-ci vous offre ce mets dans une version "haut du panier". Olivier Samin vous présente bien sûr la recette "chic", celle de Carême, servie en médaillon et où le sang, les abats et le foie jouent leur rôle mais avec peu d'amertume. Du coing, du céleri et une garniture forestière complètent la palette et le tout se voit confier à un CNP de 2006 (Mont Olivet). Son grenache "viril" et un soutien alcoolique tout-à-fait comme il faut m'enchantent, sans rudesse pourtant. 

 

On goûte au Saint-Félicien et à la tomme locale, plus une version parfumée à la châtaigne aussi. C'est un "Brezeme" qui va avec: de la syrah exclusivement. Pour le fromage du Vercors, je pense avoir reconnu celui de notre petit fournisseur chéri au Murinois. Il possède en effet la texture d'un Brillat-Savarin en plus des arômes d'ici.

 

J'ai eu droit à mon petit délice au chocolat pour moi tout seul, avec une bougie, mais, bonne âme, je consentis à le partager avec Christine. Cette nuit, Valrhona veillera sur nous. Ensuite, ... mon diabétologue refuse que je passe tout en revue. Il y a encore eu trois desserts, accompagnés par un vin improbable, venu tout droit de son Duché d'Uzès, chez Chabrier. Ils assemblent viognier et muscat sec à de la marsanne passerillée. Le tout fait furieusement penser à ce que serait du Klevener en surmaturité: pas les côtés extrêmes d'un gewurz mais de l'exotique quand même, et cette suavité du muscat, comme celui de Kientzler sur le Kirchberg. Y'a bon ! 

 

C'est fini!

 

Même pas vrai.

J'attendais énormément de ce repas, désiré depuis longtemps. Et il a tenu ses promesses.

 

A minuit bien sonné, mais nous avons gagné une heure de sommeil ensuite grâce au changement d'heure, j'ai entamé un exquis petit D N° 4, sur la terrasse de la chambre, le clair de lune à peine masqué par l'arbre à kakis et la vigne en pergola.

 

 

Ensuite .... rrrrrrr jusqu'à la clarté du milieu de matinée.


 

 

 

Write a comment

Comments: 0