NE VOUS FAITES SURTOUT PAS ALPAGUER

Un enseigne où je ne retournerai pas
Un enseigne où je ne retournerai pas

 

 Christine

- boulangère pendant 25 ans,

ne l'oublions pas, aux côtés d'un

excellent artisan boulanger  -

a dans l'idée de publier

une espèce de petit répertoire

de toutes les BONNES boulangeries

que nous rencontrons au fil

de ses pérégrinations dans cette belle

moitié méridionale de la France.

 

 

 


Je trouve l'idée excellente. Comme cela "coince" parfois un peu (surgelé-roi, cuissons insuffisantes, farine sans consistance, additifs en tout genre) nous rentrons souvent bredouille de nos visites chez ses anciens collègues. Avec discrétion et sans scandale - ce n'est pas le but - nous ressortons de plus en plus souvent sans achat après avoir vu la marchandise de plus près et posé quelques questions techniques, laissant la vendeuse médusée.

 

L'anecdote que je vais vous narrer - et vous, vous allez vous marrer - a eu lieu mardi matin. Je m'étais engagé auprès de mon hôtesse et de ses invités à "aller au pain" avant de rejoindre les P.O. Or, Bonnanech est trop petite pour faire vivre un commerce et la bourgade voisine ne nous satisfait pas en matière pannetière. 

 

"Donc, tu vas jusqu'au rond-point et là, quand tu vois quelques commerces, le pain est bon" fut mon briefing. L'enseigne clame: "Nous pétrissons, façonnons et cuisons le pain dans notre fournil" ce qui est la définition règlementaire de l'artisan boulanger. J'ai acheté deux baguettes "tradition" qui se sont révélées excellentes (un peu salées mais j'aime ça!). J'ai acheté une baguette au sésame correcte et deux pains de campagne peu rustiques mais corrects aussi. Alors que les viennoiseries exhibaient tous les symptômes du congelé (format rigoureusement identique, forme applatie et allongée, couleur uniforme, aspect général reconnaissable entre tous ...), j'ai tout de même voulu honorer ma promesse et quatre croissants, deux pains aux raisins et deux chocolatines ont rejoint mes emplettes. Ils furent mangeables: pas trop gras mais mushy-mushy et insipides. Clairement, du surgelé de milieu de gamme. L'industrie agro-alimentaire vous en vend déjà à moins de 10 cents l'unité HT au prix de gros.

 

Ma note s'est élevée à 11,60 euros. J'ai payé avec un billet de 50 euros et ai mis le change de 1,60 € en monnaie, espérant récupérer deux billets de 20 €. Correct, non? 

 

La vendeuse, souriante et efficace, au doux visage encore un peu adolescent, seule dans le magasin (8 personnes attendaient après moi) a inséré elle-même mon argent dans ... une machine automatique à payer. J'ai horreur de cela même si on n'en rencontre pas souvent. Cela permet en principe d'éviter les "erreurs" à l'encaisse, ce qui est très rassurant pour le patron, et cela fait gagner du "temps de main d'oeuvre". En clair, cela détruit l'emploi. Déjà que nous avions perdu le sourire de la crèmière, si en plus on doit faire une croix sur celui de la pâtissière ! 

 

Et bien, vous ne me croirez pas, mais la machine m'a rendu 35 euros en billets et ... seulement 3,40 € en pièces. Mon appoint est passé à l'as. Médusé et amusé, j'ai réclamé mon dû. Un moment de panique s'est emparé de la jeune fille, qui m'a expliqué que l'automate se trompe quelquefois mais qu'elle ne peut rien y faire. J'ai demandé à voir le manager, le gérant, quoi. Mais il n'y avait personne d'autre. Où est le "boulanger" qui pétrit, façonne et cuit sur place? Sans doute parti au petit matin, sa tâche finie. Ou bien l'annonce est du pipeau et le "fournil" local est commun aux 9 magasins détenus par la société dans la région, comme je l'ai appris plus tard. 

 

Mon interlocutrice, à contre-coeur, a finalement ouvert le tiroir de sa caisse enregistreuse (enfin, je crois, c'était hors de ma vue) et m'a rendu le compte exact, l'air contrit. Comme je suspectais que cela "sortirait de sa poche" à elle - ce que je ne peux accepter - je lui ai posé directement la question, prenant les autres personnes à témoin. Elle m'a timidement assuré que non.

 

Bizarrement, les clients suivants, des locaux, n'ont montré aucun agacement à mon égard, bien au contraire. Ils ont tous pesté contre l'automate à monnaie "qui fait ça tout le temps". Notez qu'ils reviennent se fournir ici. C'est incompréhensible !

 

Ma voisine de queue - je veux dire la personne qui me suivait dans la file - m'a confié: "Ohaucun employé ne veut rester ici". 

 

Ici? C'est un patronyme qui m'évoque immédiatement un fait divers politique lié à la presse de notre département.

 

Le nom en question me rappelle des souvenirs (un article récent de La Semaine du Roussillon). Je ne sais si le "Alain" mentionné dans ce papier présente un quelconque lien de parenté avec notre "Pascal" qui possède bien toute une série de points-boulangeries de ce type dans le Tarn & Garonne. La notion "d'artisan" en prend un coup au passage!

 

Il se peut que rien ne les relie et je me garde bien de faire une insinuation gratuite et dénigrante. Et même s'ils sont père et fils, ou apparentés de quelque manière que ce soit, cela ne prouve encore rien. Le français a de ces adages: les chattes ne font pas des chiennes, tel père tel fils, bon sang ne saurait mentir, il a de qui tenir ... Même l'anglais, cette langue de gens "politiquement corrects", nous dit: the apple never falls far away from the tree. Chez nous, c'est: hij heeft een aardje naar zijn vaartje

 

Voilà comment naît une rumeur: un client mécontent (moi), au début pourtant simple innocent bystander, se voit conforté dans son insatisfaction par d'autres personnes de même sentiment, qui nourrissent, elles, peut-être un ressentiment atavique envers notre quidam. Il suffit que son nom, peu banal, attire l'attention et hop, le voilà illico presto lié de près ou de loin à une conjuration politico-capitaliste qui associe un patron de presse véreux et la mairesse peu fréquentable d'une grande ville, impliqués dans des affaires de fraude, de trafic d'influence et de travail non déclaré. 

 

Je m'en défends et ne franchis pas le pas. J'ai volontairement laissé de côté le nom des intéressés, après mûre réflexion, car peu importe de qui il s'agit. C'est le procédé qui me déplaît: faire croire aux consommateurs qu'il s'agit d'une production artisanale traditionelle alors que c'est en fait une "chaîne", mettant en oeuvre tous les artifices et les méthodes de la distribution de masse.


Par contre, j'ai pleinement le droit de vous conseiller de ne pas aller acheter votre pain dans une succursale de cette société, qui ne correspond pas à l'idée du vrai artisan mais tient plutôt de l'entrepreneur capitaliste post-moderne. Evitez surtout ses viennoiseries qui ne sont pas bonnes (goût personnel) et sont clairement du surgelé (constatation objective).

 

Et, SURTOUT, ayez pitié de la jeune vendeuse,

sans doute une saisonnière en quête de trois sous. 



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Comments: 2
  • #1

    CIVALE (Thursday, 13 August 2015 10:36)

    http://www.senat.fr/rap/l97-417/l97-4178.html
    Article L.121-80

    Les points chauds utilisent toutes les autres enseignes( aux bons pains etc.)

  • #2

    Luc Charlier (Thursday, 13 August 2015 10:54)

    Intéressante mise au point d'une "vraie pro". Merci de cet éclairage, Christine. Mon problème à moi n'est pas "être en règle ou pas". Je ne veux pas de ces viennoiseries insipides, pleines d'air et grasses. Le jour où les artisans me proposeront tous le croissant "nature", délicieux, fait maison, croustillant dehors, brun et même un peu noirci par endroit, encore mou au centre, je ne leur reprocherai pas de ne pas vendre en même temps le "croissant au beurre" qui prend tant de temps à confectionner, pour un tarif à peine supérieur.